Depuis 2000, le Luxembourg s’est doté d’un cadre légal relatif au harcèlement sexuel dans le cadre des relations de travail et permettant de sanctionner ses auteurs. Les articles y relatifs se trouvent dans un chapitre spécifique du Code du travail (articles L. 245-1. à L. 245-8.). Ainsi, l’article L. 245-4. (1) du Code du travail précise que « L’employeur et le salarié doivent s’abstenir de tout fait de harcèlement sexuel à l’occasion des relations de travail, de même que tout client ou fournisseur de l’entreprise ». Les dispositions relatives au harcèlement sexuel demandent de la part de l’employeur une certaine réactivité et aussi des actions concrètes. L’article L. 245-4. (3) du Code du travail indique en effet que l’employeur est tenu « de prendre toutes les mesures de prévention nécessaires pour assurer la protection de la dignité de toute personne à l’occasion des relations de travail. Ces mesures doivent comprendre des mesures d’information ». Il en découle de ces obligations que l’employeur est partant obligé d’instituer un environnement de travail exempt de harcèlement sexuel en prenant des mesures préventives et des sanctions, afin de garantir à ses salariés un environnement de travail respectant la dignité de tous 1. L’employeur choisit la sanction qui lui paraît la plus adéquate pour faire immédiatement cesser le harcèlement sexuel 2.

Les faits d’harcèlement sexuel peuvent avoir une nature verbale (remarques compromettantes ou suggestives), non verbale (p. ex. envoi d’un courriel, d’un sms, d’un message sur WhatsApp, etc.) ou physique (p. ex. des attouchements). Le fait de montrer de manière répétitive une vidéo à caractère sexuel à un collègue de travail malgré l’indication claire de ce dernier de ne pas vouloir regarder ces images peut constituer un harcèlement sexuel 3.

Dans une affaire très récente 4, un salarié, engagé par un contrat de travail du 5 janvier 1999 en qualité d’« agent de cabine », a été licencié avec effet immédiat le 23 décembre 2019 pour des faits d’harcèlement sexuel qui se sont déroulés le 17 octobre 2019. En effet, il lui a notamment été reproché d’avoir formulé des remarques à connotation sexuelle à une collègue de travail durant un vol. Il est confirmé par les attestations testimoniales que la victime lui a fait comprendre que ces remarques relatives à des photos personnelles en maillot de bain sur son profil Facebook la contrariaient. Sur le même vol, l’accusé a donné deux tapes sur les fesses avec la main à la victime. Cette dernière lui a ordonné d’arrêter, mais l’accusé a donné une troisième tape, cette fois à proximité des passagers. Toujours sur le même vol, avant l’atterrissage, l’accusé a pris une pince à glace et a volontairement touché le sein gauche de la victime. Elle a repoussé la main de l’accusé et s’est assis.

Au vu des éléments décrits, la Cour d’appel a retenu que « C’est ensuite à juste titre que le tribunal du travail a dit que le comportement de PERSONNE1.) remplissait les critères posés par l’article L. 245-2. du Code du travail et était à qualifier de harcèlement sexuel. En effet, (…) les compliments faits à TEMOIN1.) au sujet de son corps « sexy » ont clairement une connotation sexuelle. Il en est de même des agissements du concerné, ayant consisté à essayer d’embrasser sa collègue de travail, à lui donner des tapes sur les fesses et à toucher son sein avec une pince à glace. Le comportement litigieux n’était manifestement pas désiré par TEMOIN1.), qui s’est insurgée contre les remarques déplacées de PERSONNE1.) au sujet de son corps « sexy », qui s’est éloignée lorsqu’il a voulu l’embrasser et qui lui a intimé d’arrêter de lui donner des tapes. Les agissements du concerné avaient indubitablement un caractère blessant et ont confronté TEMOIN1.) à un climat de travail dégradant et intimidant. Le comportement de PERSONNE1.), qui a continué à harceler TEMOIN1.), malgré le fait que celle-ci lui avait clairement fait comprendre qu’elle se sentait importunée, est à considérer comme une faute grave, rendant impossible le maintien des relations de travail ».

Le licenciement avec effet immédiat a ainsi été déclaré justifié, malgré l’ancienneté très élevé de l’auteur du harcèlement sexuel et le fait que ses agissements se sont déroulés durant une seule journée de travail. Ceci paraît raisonnable vu que l’élément crucial dans l’analyse de l’opportunité de la sanction décidée par l’employeur constituerait, à notre avis, le caractère outrageant et blessant du comportement de l’auteur d’un harcèlement sexuel et les conséquences sur l’environnement de travail. Un raisonnement sévère des juridictions en cas d’harcèlement sexuel avéré et prouvé est nécessaire à la fois pour sanctionner son auteur et de protéger la victime d’un tel comportement. Il reste encore à mentionner que la FEDIL a très récemment élaboré un guide sur les comportements ostensibles des salariés avec des informations et recommandations utiles aux employeurs. Ledit guide contient également une partie sur le harcèlement sexuel.

Philippe Heck
Conseiller affaires juridiques et sociales auprès de la FEDIL